Le Japon selon Guimet

Japan'Art

Émile Guimet (1836-1918) est un nom qui sonne familier à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du Japon. Il fut un industriel et grand collectionneur d’objets d’art. Parallèlement à ses activités d’industriel il entreprit plusieurs voyages en Afrique et en Asie où il commença à collecter des objets afin de comprendre et étudier les civilisations. Lors de ses expéditions il passa notamment par le Japon qui le marqua profondément et jusqu’à sa mort. Il participa au développement du japonisme en France, également en publiant Promenades japonaises où il relate ses impressions de voyage comme la suivante où l’auteur déplore l’abandon de certaines traditions : « Le Japon n’a pas assez confiance dans les mœurs du Japon ; il fait trop vite table rase d’une foule de coutumes, d’institutions d’idées même qui faisaient sa force et son bonheur. Il y reviendra peut-être, je le lui souhaite ». De retour de ses périples il décide de créer un musée pour y exposer ses collections. Ce dernier ouvrira ses portes à Lyon en 1879, mais faute d’affluence, le musée sera déplacé à Paris, où cette fois-ci il verra sa fréquentation grandir. Guimet sera nommé directeur à vie de son musée. Guimet sera également le cofondateur de la Société franco-japonaise de Paris.

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Ferdinand Jean Luigini. Émile Guimet dans son musée. 1898.
Huile sur toile. Musée des Confluences, Lyon.

 

La peinture que je souhaite expliquer aujourd’hui est un portrait d’Émile Guimet réalisé par  Ferdinand Jean Luigini (1870-1943), peintre de paysages (de canaux, de vieilles maisons) et de scènes rustiques. Luigini s’éloigna de ses scènes habituelles pour se lancer dans la portraiture et faire un portrait prestigieux de Guimet devant faire passer l’homme d’affaire et passionné d’art à la postérité.

Cette peinture représente Guimet dans une salle du musée portant son nom, portant la redingote noire, le nœud papillon et arborant à la boutonnière la fameuse rosette de la légion d’honneur (titre qu’il obtint en 1895). Légèrement adossé à une vitrine basse, il observe une statue de bronze japonaise issue de sa collection. Il s’agit d’une représentation de Gyoran Kannon, incarnation de la miséricorde et de la charité (cette statue témoigne de l’importance du culte bouddhique au Japon). La statue semble lui sourire et Émile Guimet, dans une posture académique semble profiter de ce tête à tête avec l’une des pièces de sa collection. À en juger par son regard passionné, il semblait s’intéresser de très près au caractère religieux de cette divinité, à l’œuvre d’art qu’elle représente et à la question de la religion au Japon dans son ensemble. En observant cette peinture nous avons donc l’impression d’entrer dans l’intimité de Guimet et de sa relation si particulière avec le bel objet. En regardant attentivement cette statuette, il semble tenter d’en comprendre le sens : « Je sentais que ces objets que je réunissais restaient muets et que pourtant ils avaient des choses à me dire, mais que je ne savais pas les interroger. » a t-il d’ailleurs déclaré.

On peut également reconnaître sur cette peinture, au fond, un peu plus en hauteur, le socle aux éléphants de l’image de Fugen Enmei (Enmei signifie « qui prolonge la vie », il s’agit d’une représentation du bodhisattva Fugen assis sur un piédestal en forme de lotus, lui-même supporté par quatre éléphants). Si Émile Guimet fut représenté auprès de cette sculpture, c’est peut-être qu’il appréciait particulièrement cette pièce de sa collection.

Ce portrait élogieux d’Émile Guimet, exposé dans le musée parisien, avait pour but de rappeler aux visiteurs qui était le mentor et le créateur dudit musée éponyme.

-Article rédigé par Tony-