Ce tableau fut réalisé par Gauguin juste avant son départ pour Pont-Aven. C’est l’une des plus grandes natures mortes réalisées par l’artiste avec son espace légèrement penché. Dans cette composition Gauguin nous présente un ensemble floral, sur fond de crépon japonais, composé de rhododendrons, hémérocalles et ancolies se trouvant réparties dans deux vases. L’un, celui de droite, est anthropomorphe. C’est un clin d’œil à une autre œuvre de Gauguin intitulée Pot en forme de tête, Autoportrait et qui s’inspire de l’art péruvien (notamment la forme torturée du visage). Ce pot symbolise que l’esprit de Gauguin est en pleine éclosion, donc en pleine inspiration artistique, qu’il met à profit pour élaborer cette nature morte. Les quelques feuilles éparpillées viennent briser et rythmer le large plan chromatique rouge. Cela induit une certaine forme de musicalité dans la composition. L’estampe japonaise accrochée au mur est ici une « intrusion » exotique et représente un guerrier armé d’un sabre. Il s’agit de l’acteur Sakata Hangoro par Kunisada Utagawa.
Musée d’art contemporain de Téhéran.
Il faut noter que l’ouverture du Japon en 1868 permet aux européens d’y voyager dans les années 1870. Ainsi le collectionneur Henri Cernuschi, le critique d’art Théodore Duret ou encore Siegfried Bing, éditeur de la célèbre et luxueuse revue Le Japon artistique s’y rendirent et permirent la démocratisation et la connaissance de l’art japonais. Gauguin profita de cet engouement et possédait lui-même plusieurs estampes japonaises. Il admirait la surface plane, la haute ligne d’horizon, la composition asymétrique, la précision du contour, et la séparation en espaces chromatiques marqués des estampes. Cela lui permit de libérer son art et de simplifier les formes de ce qu’il représentait. En somme la nature morte de Gauguin tente d’imiter le style de l’estampe.
Comme son ami Van Gogh, avec qui il passa quelques semaines à Arles, Gauguin ressentit des périodes de dépression, et tenta de se suicider. Déçu de l’impressionnisme, il considérait que l’art européen était trop imitatif et manquait de profondeur symbolique. À l’inverse l’art africain et asiatique lui semblaient plein de vigueur et de symbolique mystique. C’est via les estampes japonaises que Gauguin évolua vers le cloisonnisme. Le style cloisonniste (nom donné par le critique Édouard Dujardin en réponse à la technique cloisonnée d’Émile Bernard) consiste à accentuer le contour des personnes et objets par le moyen de traits grossis et épais. De plus les estampes japonaises révèlent la nature profonde de Gauguin, celle d’un peintre-voyageur dont les séjours en Martinique et à Tahiti marquèrent durablement son art.
-Article rédigé par Tony-