Comme beaucoup, j’ai difficilement été hypé par la communication autour du jeu. Beaucoup de Kojima, peu d’informations concrètes, peu de liens entre ces informations alors que le jeu semblait miser beaucoup sur les liens entre individus justement. Bref une communication confuse qui misait plus sur le charisme/le WTF d’Hideo Kojima (rayer la mention inutile) que sur le jeu lui même ,puis j’ai compris après quelques heures passées sur le titre. Death Stranding ne peut s’expliquer, il se vit.
C’est pourquoi donner un avis sur le jeu comme on donnerait un avis sur un jeu de sport n’a ici aucune pertinence, tant l’intérêt que vous porterez au jeu dépendra du lien que vous arriverez à tisser avec lui. Car oui, c’est bien de lien dont il est question tout au long du jeu.
Plus que jamais mon avis va donc être personnel, intime, et la petite signalétique en bas de page reflétera ce lien que j’ai pu nouer avec la nouvelle production de Kojima. Vous la partagerez, vous ne vous reconnaîtrez pas dedans, au final seul votre avis sera important. Si mon intention n’est pas de gâcher l’expérience en divulguant tous les méandres du scénario, en ne mettant pas en avant toutes les possibilités qui vous sont offertes, je vise avec cet avis la possibilité de vous donner l’envie de vous essayer au titre pour vous forger votre propre opinion et ainsi tisser les prémices d’un lien qui peut être nous unira.
Walking simulator…
Avec la possibilité de crafter via ses besoins naturels, voilà probablement ce que vous aurez retenu du titre après les nombreuses vidéos qui ont circulé. Mais Death Stranding c’est bien plus que cela, petite pause scénaristique, qui élude volontairement certains points du scénario pour vous en donner la base uniquement.
Dans un futur pas si lointain, la civilisation telle que nous la connaissons aujourd’hui a complètement disparu. Un événement baptisé Death Stranding, de gigantesques explosions inexpliquées, a décimé la population, réduit à néant les infrastructures sociales et toute forme de gouvernement. Les quelques survivants sont dispersés, vivent en autarcie et sont coupés du monde. Enfin pas totalement. Il existe des hommes, les porteurs, qui assurent encore un minimum de lien entre ces micro-populations en leur livrant des objets de première nécessité. Sam Bridges est l’un d’eux et accessoirement le héros de notre future aventure qui va se dérouler sur le territoire de feu les Etats Unis.
Peu d’hommes assurent encore ce service car le Death Stranding a laissé des traces et de nombreuses séquelles. Cette pluie tout d’abord, baptisée timefall, qui fait vieillir prématurément objets et êtres vivants avec laquelle elle est en contact direct. L’occasion ici de souligner la qualité de la traduction française, avec cet exemple précis, puisque le terme retenu, précipitations, convient à merveille pour transmettre l’idée de pluie et d’accélération du temps. Et puis il y a les échoués. Ces formes éthérées, hostiles, flottant dans le ciel, et qui semblent venir d’un autre plan astral, invisibles pour la plupart des être humains. Mais Sam n’est pas comme tout le monde, il peut les ressentir, de quoi en faire l’élu.
Au cours d’une livraison somme toute classique pour lui, Sam va faire la rencontre des membres de l’UCA, vestige du gouvernement dont l’ambition est de reconnecter les hommes entre eux. Pour cela des structures ont été mises en place par une expédition de la côte est à la côte ouest du territoire. Seulement ces différentes structures doivent encore être reliées entre elles via le réseau chiral, issu de la recherche menée sur le Death Stranding. Vous l’aurez compris, notre brave porteur va se faire embrigader pour connecter ces structures et va donc s’embarquer pour un Road Trip à travers le pays, où plutôt ce qu’il en reste.
I’m a poor lonesome porter…
Car effectivement je n’ai pas encore parlé de ce qui fait le cœur du jeu. Et sachez que je n’ai fait qu’effleurer les grandes lignes du scénario, juste assez pour donner un peu de fond au titre et montrer que Death Stranding s’appuie sur quelque chose de solide, qui se construit progressivement et qui assure continuellement un intérêt à un titre qui vu de l’extérieur pourrait sembler terriblement rébarbatif.
Beaucoup caricaturent le titre comme un simulateur de coursier. Et ils n’ont pas tout à fait tort. Vous allez passer votre temps à effectuer des livraisons d’un point A à un point B et inversement après un petit détour par C. Et c’est là que la magie du titre va opérer ou non sur vous. Car, en ce qui me concerne, Death Stranding réussit là où beaucoup auraient échoué. Rendre secondaire une mécanique de jeu rébarbative, qui est pourtant au cœur même du jeu. Et c’est aussi là la grande difficulté de retranscrire ce sentiment pour quelqu’un qui ne vit pas l’expérience.
Death Stranding est généreux. Parfois maladroitement certes, mais on ne peut lui enlever cette qualité. Et ce sont toutes ces petites choses qui rendent l’aventure passionnante. Sam va devoir remplir des missions, le plus souvent des livraisons, mais aussi des missions de construction ou de récupération d’objet en territoire ennemis. Car la pluie et les échoués ne sont pas les seuls ennemis que vous rencontrerez. Les mules par exemple, sont d’anciens porteurs, dont la raison a été mise à mal après le Death Stranding. Sorte d’addicts à la livraison, ces derniers n’hésitent pas à détrousser les livreurs de leur marchandises et à récupérer toutes marchandises abandonnées. Certains objectifs vous obligeront donc parfois à vous rendre dans leur territoire pour récupérer une marchandise nécessaire à la suite du scénario. Il faudra alors privilégier la discrétion pour parvenir à votre but.
D’autres missions vous demanderont de construire des infrastructures, comme des ponts, des points relais ou des tours de guet par exemple. Pour cela, vous utiliserez les CCP, des sortes d’imprimantes 3D. Les éléments ainsi construits vous seront utiles pour mener à bien vos missions mais viendront également en aide aux autres joueurs. Car si il y a bien une volonté affichée dans l’oeuvre de Kojima, c’est celle de renouer des liens. Dans le jeu via son scénario mais aussi entre les joueurs car l’aspect social est important. Vous pourrez ainsi au gré de vos pérégrinations faire appel à toute sorte d’équipements pour vous aider dans votre avancée. Echelle pour escalader une pente, corde pour vous aider à vous hisser, autant d’éléments que vous pourrez laisser sur place et qu’un autre joueur pourra utiliser. Car le jeu réunit un petit nombre de joueurs au sein du même monde afin de leur permettre d’interagir. L’échelle que vous avez placée à un endroit stratégique permettra ainsi à un autre joueur de franchir plus aisément ce passage, le point relais édifié par un autre joueur vous permettra de récupérer de l’équipement que ce dernier aura laissé à l’attention d’un autre livreur. Vous découvrez une zone à risque, où la pluie s’abat ou une zone où les échoués sévissent? Prévenez les autres joueurs au moyen du panneau adéquat. Ces équipements, ces informations vous ont été utiles? Pensez à laisser quelques « like » à leurs propriétaires, les likes étant l’équivalent des points d’expérience de votre personnage. Ces derniers s’obtiennent en remplissant les missions et leur nombre dépend du temps passé à effectuer ces missions, de l’état de l’équipement livré (n’oubliez pas que la pluie endommage tout ce qu’elle touche) et via vos interactions avec les autres. Ces likes vous permettront alors de gagner en expérience et ainsi augmenter vos possibilités; vous pourrez ainsi porter des charges de plus en plus lourdes ou alors confectionner d’avantage de matériels dans les différentes bases que vous allez connecter au cours de l’aventure.
Car n’oublions pas que vous êtes un livreur avant tout. Vous allez donc devoir porter un certain nombre de colis à destination. Et c’est là que l’on commence à rentrer dans le détail et à apprécier la précision du titre. Vous devrez ainsi prendre réception de la commande dans les différents bases via une interface qui n’est pas parmi les points forts du jeu. Complexe, chargée, avec une police de caractère pas très amicale avec les joueurs de plus de 30 ans, les menus auraient sans doute gagnés à être plus travaillés. Avec le temps on s’habitue et on finit par ne plus y faire trop attention mais les premières heures sont un peu difficiles.
Sam va s’équiper avec les colis qu’il va devoir repartir de la façon la plus pertinente possible. Sur le dos, attachés à des sangles, portés à la main, le tout est de parvenir à trouver la configuration idéale. Car Sam va devoir composer avec la typographie du terrain: dénivelés, zones rocheuses, rivières autant de lieux qui vont mettre à mal l’équilibre de notre porteur. Et c’est là la petite prouesse du jeu. Parvenir à nous faire ressentir l’appréhension du terrain, inviter le joueur à vivre les déplacements de Sam. Plus qu’un simple cheminement du point A au point B, vous devrez apprendre à reconnaître et anticiper les difficultés. Vaut-il mieux affronter cette pente un peu raide ou faire un petit détour? La gestion de la charge et de l’inertie est également très intéressante. Vous devrez souvent compenser le poids de vos colis. Sam penche sur sa droite, rétablissez l’équilibre en pesant à gauche, maintenez les gâchettes R2 et L2 pour vous assurer une certaine stabilité mais cela se fera au détriment de votre vitesse et de votre endurance. Chaque pas, chaque rivière, chaque montagne franchie est en soit une récompense. Mais le voyage est aussi actif et c’est sans doute pour cela qu’il n’est pas monotone. Assurer votre équilibre face au vent, récoltez les colis perdus par d’autres porteurs, faire un détour pour en assurer la livraison ou au contraire le déposer à un point relais pour que d’autres s’en charge, poser une échelle; de nombreux petits à coté qui martèlent une dynamique dans un titre pourtant calme et posé.
Emotions are in your hands
Un petit mot sur les combats. Ces derniers demeurent plutôt classiques, comprendre ici qu’ils ne profitent pas du niveau de détails et de soin apportés aux autres aspects du titre. Classiques mais pas ratés surtout qu’ils bénéficient tout de même d’une mise en scène plutôt sympa. Mais cela n’est pas le cœur du jeu et cela se sent. Si certains combats sont obligatoires, il vous faudra le plus souvent faire preuve de discrétion.
Comment ne pas évoquer les graphismes? Je laisse volontairement de coté, les acteurs célèbres, le moteur du jeu rarement en défaut car Death Stranding est avant tout magnifique dans sa désolation. La nature, sauvage, dure, qui s’étend à perte de vue, tranche parfois avec la technologie des bases et les vestiges du passage de l’homme. Mais toutes deux partagent ce sentiment de froideur et de désolation. Death Stranding est emplie de mélancolie, dans ses graphismes mais aussi dans sa musique dont il faut souligner ici la qualité.
Quelques mots sur BB, puisque vous serez nombreux à l’avoir vu passer au détour de quelques vidéos. je n’ai pas la volonté de dévoiler l’intégralité de son implication dans l’histoire mais sachez qu’il tient une place prépondérante dans votre appréhension du monde des vivants et de celui des défunts. Et puis force est de reconnaître que cette aventure en solitaire ne l’est pas vraiment, BB accompagne chacun de vos pas et on se prend à s’attacher à ce petit être si fragile mais pourtant garant de votre propre sécurité.
Death Stranding prend son temps, il s’installe progressivement en distillant petit à petit les pièces de son scénario prenant et captivant. Death Stranding ne peut réellement se raconter, s’expliquer car il doit avant tout se vivre. Chacun aura son affinité propre avec le titre, certains y seront hermétiques, d’autres comme moi, captivés sans pouvoir facilement l’expliquer, mais le titre de Kojima Productions ne passera pas inaperçu.
Support: PS4 Développeur: Kojima Productions- testé sur PS4 à partir d’un code fourni par l’éditeur, merci à lui