Le Japon impressionniste

Japan'Art

Van Gogh arriva à Paris en 1886. La découverte de la capitale allait ainsi bouleverser sa conception de l’art et modifier profondément sa palette. Van Gogh fit de nombreuses rencontres, artistiquement fructueuses et parmi elles, celle de Julien-François Tanguy (1825-1894) appelé affectueusement par le cercle d’artistes parisiens, « Père Tanguy ». Le Père Tanguy possédait une petite boutique de matériel artistique rue Clauzel où il vendait toiles et couleurs. Son établissement sans frais lui permettait de vendre ses articles à prix avantageux. De ce fait de nombreux artistes peu fortunés vinrent à lui et formèrent une clientèle fidèle. De même lorsque certains artistes débutants étaient sans le sou, Tanguy acceptait d’être payé en échange de toiles. Tanguy prit même en dépôt des toiles de peintres célèbres comme Cézanne, Monet ou Pissarro. Van Gogh ne tarda pas à s’y rendre et redécouvrit le monde des couleurs à la fois grâce au matériel vendu par Tanguy mais aussi par la découverte de toiles impressionnistes dans son échoppe.

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Vincent Van Gogh. Le Père Tanguy. 1887. Huile sur toile. 92 x 75 cm. Musée Rodin.

Van Gogh représenta par trois fois le Père Tanguy, preuve de son attachement au personnage. Il fit de lui un portrait dans les tons terreux où le modèle porte son tablier de vendeur de couleurs et deux portraits dans les tons japonisants. C’est l’un deux que je me propose d’étudier aujourd’hui.

Le modèle est représenté de manière frontale, avec un sourire évanescent illuminant son visage calme, les mains croisées sur l’estomac à la manière d’un sage japonais. Cette représentation japonisante du modèle peut paraître surprenante lorsque l’on sait que Tanguy fut Communard. Le pinceau de Van Gogh retranscrit avec talent le caractère doux de cet homme du peuple qu’était Tanguy. Notons que Van Gogh réduit le relief du corps de Tanguy au minimum, de tel sorte que le modèle semble se fondre parmi l’arrière-plan d’estampes japonaises. Pourquoi donc ce choix d’un décor d’Ukiyo-e par Van Gogh ? Tout simplement car Van Gogh et son frère Théo étaient des collectionneurs d’estampes. Van Gogh, fasciné par le Japon, collectionna des estampes non pas seulement pour leur beauté esthétique mais aussi car elles représentaient pour lui un monde utopique. Il en achetait souvent chez le marchand Samuel Bing pour trois sous pièce. Selon Van Gogh c’étaient les artistes français qui remettaient l’art japonais au goût du jour : « L’art japonais, en décadence dans sa patrie, reprend racine chez les impressionnistes français ».

L’emploi des couleurs par Van Gogh pour cette toile est novateur. Il opte pour une palette riche et utilise des couleurs pures qu’il appose par touches serrées et par empâtements, par traits et par points (à la manière néo-impressionniste). Le résultat qui en ressort est une sensation de vibrance de la toile pour le spectateur. Le Père Tanguy fut si attaché à cette peinture qu’il ne s’en sépara jamais. Ce n’est qu’à sa mort en 1894 que le célèbre sculpteur Auguste Rodin acheta le portrait à la famille de Tanguy. Le portrait figure maintenant dans la collection permanente du musée Rodin (Rodin était lui aussi un collectionneur d’estampes japonaises. Il avait coutume d’admirer les estampes de son ami Edmond de Goncourt). Lorsque Van Gogh décéda et peu de temps après son frère Théo des suites d’une paralysie générale, le Père Tanguy continua d’exposer les toiles de Van Gogh dans son magasin et commença à les vendre, Shuffenecker fut son premier acheteur.

-Article rédigé par Tony-